Deux guépards en chasse et l'attaque des
lionnes
Ô Temps, suspends ton vol… (1) / Ne pas choisir, c'est
encore choisir (2)
Ces deux œuvres illustrent parfaitement
mon indécision face à l'œuvre ambivalente et protéiforme de Vassil. Il
s'agit de deux sculptures, sans doute réalisées à peu près à la même
époque et déjà anciennes puisque épuisées, pour lesquelles je ne
parviens toujours pas à savoir laquelle des deux je préfère…
Les deux
sculptures comportent nombre de points communs, ne serait-ce que par
leur sujet, illustrant la coopération : deux animaux qui agissent de
concert, tendus vers un but identique, une chasse utilitaire pour se
nourrir et survivre. C'est par pur instinct que ces animaux en chasse
ont décidé d'unir leur force et de s'associer afin d'obtenir en commun
un résultat supérieur à la somme de leur intérêt individuel…
Nul besoin de réflexion avant de parvenir
à ce choix de la coopération (3),
le recours à l'association est inné chez ces prédateurs et gravé depuis
des millénaires dans les gènes…
Cette
représentation nous émeut car cette chasse renvoie à l'une de nos
préoccupations ancestrales : la poursuite d'une proie pour satisfaire
le besoin primitif de nourriture, mais la bestialité de la scène est
humanisée par l'association avec un partenaire qui débouche - chez
l'homme - sur la complicité puis l'amitié.
L'instantanéité de la scène immortalisée par Vassil est très
similaire dans les deux œuvres : les animaux bondissent, ils sont en
plein effort comme " suspendus en plein vol ", et n'ont plus qu'une
attache minimale avec le sol. Admirez la finesse du point de contact
entre les deux guépards qui accrochent le regard avec leur belle patine
brune traditionnelle sous laquelle on devine le bronze et la longue
terrasse à patine verte traitée de manière plus contemporaine, dont
l'horizontalité à peine troublée du relief de vaguelettes vient
souligner en trois niveaux parallèles l'unité globale de cette œuvre.
(1) Cet hémistiche fameux
d'Alphonse de Lamartine (1790-1869), provenant de son poème Le Lac
extrait des Méditations poétiques (1820), n'est en réalité qu'un
plagiat emprunté mot pour mot à la dernière strophe de l'Ode sur le
temps d'Antoine-Léonard Thomas (1732-1785), texte pour lequel ce
dernier reçut le prix de l'Académie française en 1762, soit 58 ans plus
tôt…
Très bel exemple de Plagiat par anticipation, selon l'essai de Pierre
Bayard publié en 2009 aux éditions de Minuit, Antoine-Léonard Thomas
élu Académicien en 1766 au fauteuil 30, n'étant même pas cité par
Lagarde & Michard alors que l'emprunt de Lamartine est un des rares
vers que la plupart des élèves sont capables d'attribuer à Lamartine !
(2) Jean-Paul Sartre.
(3) Voyez " La théorie des
jeux ", " le dilemme du prisonnier " par Robert Axelrod, " Donnant
donnant - une théorie du comportement coopératif ", éditions Odile
Jacob, 1992
Aujourd'hui
je privilégie " les
deux lionnes " qui est certainement
une oeuvre plus virile et primitive, plus sensuelle aussi, on ne peut
s'empêcher de vouloir caresser les dos des lionnes pour mieux
appréhender la courbe de la sculpture.
Mais hier c'était au
contraire la légèreté des "deux guépards" qui m'enchantait…
C'est ainsi que n'ayant pu me décider à temps, tous les exemplaires de
ces deux œuvres ont été vendus avant que je ne puisse déterminer mon
choix. Mais ne pas choisir c'est encore choisir !
François-Laurent JACQUIER
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